Archives & Dossiers du Poitou-Charentes

Au chevet des cimetières protestants (Ste-Soline 1998)

 

Une association présidée par le maire de Sainte Soline se propose de réhabiliter et entretenir les cimetières familiaux protestants du sud Deux Sèvres et de la Vienne.  Une bonne nouvelle pour le patrimoine poitevin.

Il y a ceux qui, craignant de laisser un fardeau à leurs successeurs, font transférer leurs morts au cimetière communal ; il y a ceux qui, pris par d’autres obligations, laissent disparaitre sous la végétation les dernières demeures de lointains aïeux dont le nom même est oublié : même si beaucoup de familles protestantes entretiennent encore avec soin ces cimetières familiaux qui constituent une des grandes originalités du Bas Poitou, un grand nombre risque de sombrer dans l’abandon dans un proche avenir. Déjà trop de ces petits cimetières familiaux disparaissent sous la végétation, quand ce n’est pas sous le soc d’une charrue.

Gérard Villeneuve s’est intéressé à l’avenir de ces cimetières familiaux ; il est lui-même protestant et il est le maire de Sainte Soline, petite commune du Lezéen, au cœur du pays huguenot. Régulièrement, ses administrés, les plus âgés lui, font part de leurs préoccupation : comment faire pour entretenir nos cimetières ? Or les communes n’ont pas compétence pour prendre à leur charge cet entretien. Qu’à cela ne tienne : Gérard Villeneuve, une poignée d’autres maires de la région, les responsables d’associations protestantes et des particuliers ont constitué une association, « Sauvegarde des cimetières familiaux protestants ». Son but ; recenser avec la DRAC, l’Université de Poitiers et les conseils généraux, les cimetières (il y en a des milliers), puis entreprendre la remise en état de ceux qui en ont besoin, en commençant par ceux qui se trouvent le long de sentiers touristiques.

 

Réhabilitation.

Les familles propriétaires de cimetières souhaitant en confier la réhabilitation à l’association auront deux possibilités : soit participer financièrement aux travaux (l’association en attente des subventions qu’elle a sollicitées, envisage la création de deux emplois jeunes au départ), soit transférer la propriété des cimetières à l’association qui pense récupérer également les cimetières sans propriétaires dont l’administration des domaines ne sait que faire. La DRAC a réalisé à l’attention de l’association une série de fiches descriptives à remplir, une par cimetière et une par tombeau, à laquelle l’association a ajouté des fiches familiales. Dès que les deux salariés seront recrutés, on passera à la phase active de la réhabilitation : remise en état des sépultures, restauration des murs d’enceinte ou plantation de haies de buis et naturellement plantation de Cyprès là où cet arbre témoin des cimetières protestants a disparu.

L’association a choisi d’étendre son action à l’ensemble du pays protestant poitevin, incluant tout le pays mellois, les cantons de Saint Maixent et Niort, ainsi que, dans la Vienne, les cantons de Lusignan, Couhé et Civray. Elle s’est choisi pour premier président, le maire de Sainte Soline, Gérard Villeneuve.



Vincent Buche.

 

 

Cinq siècles d’histoire

L’origine des cimetières familiaux remonte aux tout débuts de la religion réformée en Poitou, bien avant que l’Edit de Nantes ne viennent donner, pour quelques dizaines d’années seulement, cette liberté religieuse que les protestants attendaient. Honnis de l’Eglise catholique – les choses ont bien changé depuis, heureusement – les protestants se voyaient interdire les cimetières paroissiaux. Pire :

Lorsqu’un protestant mourait, il fallait dissimuler sa mort, pour que le prêtre ne lui donne pas les sacrements de l’Eglise contre l’avis de la famille.

Si bien que les protestants fidèles à leur religion n’avaient guère d’autre solution que d’enterrer nuitamment leurs morts dans quelques champs à proximité de la maison. Pas question en ces temps troublés d’édifier un tombeau, ni de clore les sépultures d’un mur de pierres sèches : le plus souvent, deux pierres enterrées marquaient les limites du cimetière. On en retrouve encore ici et là, à proximité des cimetières familiaux modernes.

Ce n’est, en effet, qu’au début du XIXe siècle, la Révolution ayant définitivement établi la liberté de culte, que sont apparus les tombeaux de pierre et les enclos, d’une sobre dignité, dans la tradition protestante. Certains réformés, au fil décès deux derniers siècles, ont choisi d’abandonner le cimetière familial pour se faire enterrer au cimetière devenu communal. Mais il n’y a pas si longtemps, se souvient Gérard Villeneuve, qui nous fournit ces quelques informations historiques au cimetière communal de SainteSoline, les protestants n’entraient que par la porte du fond. Celle par laquelle le curé faisait passer aussi ces autres proscrits de l’église catholique et romaine qu’étaient les suicidés.

L’église catholique entretien aujourd’hui les meilleures  relations avec ses frères des églises protestantes. Et de nombreux catholiques participent à l’action de sauvegarde des cimetières familiaux qui, par delà le monde protestant, appartiennent aujourd’hui tout simplement au patrimoine poitevin.

 

Articles relevés dans la Nouvelle République du 14 avril 1998.



29/08/2012
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