Archives & Dossiers du Poitou-Charentes

Monument aux morts de Prahecq, sentinelle de l’histoire (Deux-Sèvres 2004)

 

Je suis encore solide un roc, à plus de 81 ans. Il faut dire que ma forme pyramidale, trèssobre, a été taillée dans du granite par Auguste Hervé, qui était sculpteur à Niort, au 50, avenue deParis. Il m’a coiffé d’une urne funéraire- c’était moins cher qu’une victoire ou d’un coq gaulois – et posé sur un large socle. Ensuite l’entreprise Manteau-Forestier,mécanicien à Prahecq, m’a entouré d’une grille en fer de 525kg, à 4,35 f du kilo. On m’a accroché une feuille de palmes, symbole de victoire, et des plaques de marbre. Il a fallu 722 lettres, à 0,50f pièce, pour graver les 37 noms de tous ces « Morts pour la France » dans cette tuerie qu’on a osé appeler « la grande guerre »

Ils s’appelaient Léon, Eugène, Louis, Armand, Jules, Gaston ? Emile… La moitié originaire de Prahecq. Dix sept reposent dans le cimetière communal, dont 8 avec leur photo. Le plus jeune, François Fleuriau,n’avait pas 20 ans ; le plus âgé, André Hérault, avait presque 38 ans. La plupart n’avaient guère plus de 20 ans.  Le premier tué, Léon Coutureau,avait trouvé ( !?) la mort dès le 19 aout 1914. Le dernier, Isidore Légeron, n’avait succombé que le 6 décembre 1919, bien après l’armistice. Ils étaient morts le plus souvent d’une balle ou d’un éclat d’obus, à la Marne, en Belgique, dans la Meuse, l’Aisne ou la Somme, presque tous dans des régiments d’infanterie, plus exposés que ceux de l’artillerie. La plupart étaient de simples soldats.

« C’est en aout 1923 que j’ai été inauguré, plus de quatre ans après la décision, le 16 février 1919, du maire Pierre Lagnez,et de ses onze conseillers municipaux, de m’ériger » à la mémoire des enfants de la commune morts pour la patrie pendant la guerre de 1914-1918 ».

 

A la mémoire

« Au milieu de la place, au cœur du bourg, entre mairie, école et église, j’étais au carrefour des rues, des idées et de la vie. Les 8.500f que j’avais coûtés avaient été payés à 40% par une souscription auprès des 950 habitants, tous atteints par cette guerre, qui pour un mari, qui pour un père, un fils ou un parent.

Plus tard, trois autres guerres rajouteront quelques noms aux 37 premiers. Il faudra pourtant en 1983 me déplacer de quelques mètres et ôter mon périmètre grillagé pour que les morts laissent un peu de place aux vivants. Aujourd’hui, trois ou quatre fois l’an, je reçois de la visite, comme une vieille personne qu’on s’oblige à ne pas oublier. Pour combien de temps encore ? On a tant à faire de nos jours que les mémoires vives ne fournissent plus. C’est peut-être inévitable : après tout, qui se soucie des nombreuses morts dues aux guerres deLouis XIVet deNapoléon1er, dont on admire les exploits… Pourvu, au moins, que les leçons du passé, elles, ne s’oublient pas ! »

                                      Signé : Le monument aux morts de Prahecq.

 

Texte d’après l’enquête historique réalise de 1995 à 1997 par des élèves de 3e du collège Emile-Zola sur les 334 morts de 14-18 dans onze communes du secteur du collège.

 

G.brangier.

 

Article relevé dans la Nouvelle République du 11 novembre 2004.



11/09/2012
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