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Sous la baguette des frères Doray (Niort)

 

Pas un niortais amateur de bal n’a oublié le quatuor des frères Doray, accordéonistes et musiciens aguerris. Alors que Marcel avait son propre orchestre, ses frères changeaient de formations régulièrement. Guy fut celui qui joua le plus longtemps.

Marcel, Albert, Guy et Henri – les jumeaux- ont appris très tôt la musique. Bien vite, ils ont joué ensemble de l’accordéon dans l’orchestre Marcel Doray, du nom du plus âgé des quatre- ils avaient par ailleurs un frère aîné parti à Paris et une sœur –et ce jusqu’à la deuxième guerre mondiale.

Seuls Marcel et Albert sont partis au régiment en 1939. Les jumeaux, plus jeunes, sont restés un temps à Niort, « où ils faisaient des bals clandestins », jusqu’à ce qu’ils soient embarqués pour le service du travail obligatoire (STO). « Quand Marcel est revenu, cinq ans plus tard, relate Noëlle Pouvreau, fille cadette de Guy Doray, ils se sont séparés et ont monté leur propre formation. Ils avaient pris leur indépendance, s’étaient faits une clientèle ».

L’instrument de prédilection de Guy et de Marcel devient alors la trompette, même si l’accordéon conserve une place importante dans leur carrière.

Marcel Doray avait de cinq à huit musiciens « attitrés » dont son épouse à la batterie. «  Mon père s’occupait de toute la logistique, de trouver les dates, signer les contrats, évoque Evelyne Trouvé, fille de Marcel. Maman s’occupait des costumes, de leur entretien. Ils ont arrêté de jouer quand je me suis mariée, en 1957, reprend-elle ».

Lorsqu’elle était enfant, son père jouait au sein de son orchestre le week-end et travaillait au SIEDS la semaine.

« Comme il devait toujours être prêt pour les bals, il chargeait sa voiture au maximum, avec les instruments, les costumes et les garait toute la semaine devant le commissariat, pour être sûr qu’on ne lui vole rien. »

Chez les frères Doray, pas un n’exerçait la musique à plein temps, et tous avaient un métier. « Mon père était plombier », explique Noëlle Pouvreau. Henri était également au SIEDS, et Albert travaillait à la mairie. Les épouses de Marcel et Henri jouaient dans les orchestres, et celle d’Albert et de Guy se chargeaient du foyer.

La fillette qu’était alors Evelyne se rappelle encore nettement les contraintes que cela imposait. « On fêtait toujours Noël le 22 décembre. Car le 25, mes parents n’étaient jamais là. Une fois, ils ont même joué cinq jours d’affilée, se sont arrêtés deux jours, et ont recommencé quatre jour. Je crois que ça été le maximum qu’ils aient fait. »

Outre leur qualité de musicien, les quatre Doray étaient connus pour leur sacré caractère. Entiers, exigeants, ils vivaient la musique au quotidien. Au point que Guy, par exemple, en plus de son travail et des bals, donnait des cours particuliers et répétait deux fois par semaines dans deux des trois orchestres municipaux. (Lire par ailleurs)

« Il n’y avait que 24 heures dans une journée, mais s’il y en eu quarante, raconte sa fille aînée, Danièle Levien, il aurait été content ! »

Marcel Doray, lui était toujours à l’affût de nouveaux rythmes. « Il aimait innover, souligne Evelyne Trouvé. Tout intransigeant qu’il était Marcel était aussi, au souvenir de sa fille, quelqu’un de particulièrement généreux. Un jour, par exemple, un espagnol est venu sonner à la porte. Il faisait de la trompette et fuyait le régime franquiste. Papa l’a accueilli, l’a invité à manger, et lui a même prêté une trompette. Maman le lui a immédiatement reproché en lui disant «  Pourquoi lui as-tu prêté la trompette ?  Tu n’es même pas sûr de le revoir ! »

L’homme est resté très longtemps dans l’orchestre de Marcel. « Et quand on lui proposait de jouer dans une autre formation, il demandait toujours la permission à mon père. »

 

Gwenaëll Lyvinec.

 

Article relevé dans la Nouvelle république du 23 mars 2003

 



11/09/2012
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