Archives & Dossiers du Poitou-Charentes

Sous le plâtre,les fresques (Geay, 2004)

 

Dans le chœur de l’église à Geay, des spécialistes de la conservation sont à l’œuvre. Objectif: sauver ce qui peut l’être des peintures anciennes découvertes grâce à la tempête.

Il n’est pas question de colorier les peintures retrouvées récemment sur les murs de l’église de Geay. Les restaurateurs ont à cœur de laisser les œuvres telles que le temps les a livrées, les trous, les griffures, en moins. Ils sont à pied d’œuvre avec leurs pinceaux doux, leurs spatules et leur patience d’ange.

Les vestiges pectoraux dont-ils ont la charge sont apparus dans le sillage d’une terrible tempête. Comme si cette gigantesque colère de la nature avait eu pour vocation de briser une gangue pour libérer un petit trésor. Le maire de la commune, Eugène Benoît se souviendra longtemps de cette furieuse nuit du 27 décembre 1999. Les bourrasques hurlantes arrachèrent une bonne partie de la toiture de l’église. Des bâches furent ensuite provisoirement installées. A chaque coup de vent elles baillaient et la pluie inondait le chœur. Un vrai drame. Mais le temps passant, et réflexion faite, les caprices des éléments eurent du bon. D’abord les assurances sortirent leur chéquier et toute l’église en profita. Ensuite les enduits de plâtre trempé se détachèrent du mur et tombèrent, mettant en lumière des traces de peintures murales. Ce sont-elles qui font l’objet aujourd’hui d’un soin tout particulier.

Trois époques se superposent ici. D’abord une sorte de trompe l’œil qui était commun au XII et XIIIe siècle: on aimait à l’époque dessiner, sur l’enduit, au trait rouge, des pierres parfaites. Ensuite une deuxième campagne de peinture a été entreprise au XIVe et XVe siècle.

 

Conserver plus que restaurer:

Il s’agissait de représenter de nouveau l’appareillage idéal de la maçonnerie, mais cette fois la réalisation fut moins soignée. Enfin, par-dessus, au XVe ou XVIe, un artiste est venu dessiner (au charbon, ou bien encore avec un liège brûlé) de pieuses scènes. On observe parfaitement une descente de croix sur le mur nord, et à côté: le pied d’un homme en armure, peut-être Saint Michel (il est souvent représenté ainsi); et des écailles (un dragon ?) se distinguent sur le fond. Pout le reste les dégâts sont trop importants, difficile de se faire une idée précise. Le peintre de l’époque n’a pas créé une fresque en posant ses teintes sur une couche de chaux fraîche ce qui aurait sans doute mieux préservé son œuvre, il a opéré « à la détrempe » en mélangeant ses pigments avec une colle et en les appliquant sur un enduit sec.

Deux spécialistes de l’entreprise ARCC -Brice Moulinier (Atelier de restauration et conservation du Centre) de Blois ont entrepris de boucher tous les trous. Ensuite la teinte ocre du fond sera reconstituée. Eventuellement, et seulement après avis de l’architecte, des portions du dessin pourront peut-être complétées, pour assurer par exemple la jonction entre deux traits. Ensuite, rien de plus, si ce n’est le badigeon d’une résine de protection. Si les restaurateurs interviennent sur le dessin ils prendront soin de laisser la trace de leur passage. Ainsi lorsqu’il s’agit de reconstituer une ligne, une très fine hachure (invisible lorsqu’on prend du recul) signale qu’il y a eu intervention et que le morceau en question n’est pas d’époque.

Dans cent ou deux cents ans, les archéologues verront ces signes et sauront les interpréter. Dans le fond du chœur de simple et charmants décors sont encore bien visibles, ainsi que deux lettres funéraires: Lorsqu’un seigneur mourrait, un bandeau noir était peint sur le pourtour de l’église. On y représentait également sont blason. Après un certains temps, le deuil étant accompli, un coup de badigeon était passé et l’on passait à autre chose. Deux de ces bandeaux sont visibles à Geay, avec deux types d’armoiries que les chercheurs tenteront d’identifier. Plus le seigneur était d’importance, plus son blason prenait de la place. L’un deux devait compter si l’on en juge par la trace laissée.

 

Philippe l’Excellent.

 

Article relevé dans la Nouvelle République du 22 août 2004



20/08/2012
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