Archives & Dossiers du Poitou-Charentes

Terre à l'ancienne (Saint-Léger de Montbrun,2002)

 

La tuilerie de St-Léger de Montbrun fonctionne toujours et cela depuis trois cents ans. Les pièces y sont encore cuites au four à bois. Ici la tradition est le maitre mot.

Franck Calais, à 32 ans, vient de prendre la tuilerie de la famille Beauvieu à Saint léger de Montbrun. Le gout du beau travail, à l’ancienne, l’a fait quitter un poste de chef de fabrication responsable de cinquante personnes. Aujourd’hui, dans son entreprise, ils sont deux. La production artisanale de tuiles et carreaux de terre est devenue si rare qu’il n’existe plus que deux unités de fabrication dans le secteur (l’autre est à Boussais). Les usines, les grands groupes ont en général eu raison des ateliers qui étaient encore, en thouarsais, au nombre d’une quarantaine après guerre.
Hormis le recours à quelques machines pour broyer, malaxer, mouler la glaise, la technique employée date de l’antiquité. Ici le travail se fait en plein air, sous un hangar entièrement ouvert. La spécialité est notamment la tuile dite « tige de botte » (37cm de long), élégante avec sa forme resserrée sur un bord. Jadis les femmes les moulaient sur leurs cuisses fuselées. Fraîches, elles sont prise une à une à la main et placée sur des clayettes pour un premier séchage. La nature ici fait son œuvre sans brusquerie : durant trois jours en moyenne pour une tuile à un mois pour une tommette. Selon la météo, le caprice des vents.
Les bonheurs dans la fournaise:
Le processus doit être nécessairement doux pour éviter les effets d’une brusque rétractation qui provoque immanquablement des fissures dans la masse.
Même soin calme pour le four. Celui-ci est chauffé au bois, avec des chutes de menuiserie et de la sciure. Durant vingt cinq heures, sous une surveillance permanente la température monte paisiblement jusqu’à 1.000 à 1.200°.
«
Jusqu’à ce que le verre d’une canette de bière laissée comme témoin commence à s’amollir».
Le feu n’est alors plus nourri. 48h plus tard, la gueule du four est ouverte. Un authentique moment de vérité. Car les hasards d’un vrai feu ne seront jamais maitrisés. On ne parle pas ici de la soufflerie brûlante domptée au degré près par les industries. Dans le secret du grand creuset, les flammes ont dessiné sur la terre de longues nuances sombres, des drapés incarnats, des veines vermillon, des jaspures brunes, des diaprures flamboyantes. Ce feu-là réduit en cendre la triste uniformité des produits standards. Les tuiles, les carreaux de toute forme, les briques, les alvéoles de terre cuite pour stocker les bouteilles prennent, dans la fournaise, ce caractère irremplaçable recherché par ceux qui veulent travailler des matériaux- non pas précieux-mais devenus rares.
Les particuliers et les artisans qui ont entrepris la restauration d’une maison ancienne sont les clients attitrés de Franck
Calais:
«
Je suis à leur disposition, même pour une toute petite série». Sa connaissance du métier (il le pratique depuis longtemps) dans des structures industrielles l’incitera à diversifier dans quelques temps ses produits. Sans abandonner la base, la tuile, il compte proposer de nouveaux styles de tommettes, de nouvelles couleurs et installer cet automne, ou cet hiver, un hall d’exposition.

P. L’excellent.

 


Article relevé dans la Nouvelle République du 9 aout 2002.

 



22/08/2012
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