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Une expédition poitevine à Dachau (1945) -2e partie.

 

Voici la deuxième partie du récit du Révérant père Fleury, président des œuvres sociales de la Résistance, qui fut publié dans la Nouvelle République.

Malheureusement, l’article que j’ai en ma possession, n’a pas la date journalière, il me fut envoyé par le résistant Pierre Quintard, qui ne l’avait daté que de l’année 1975.

 

 

Explication avec le général De Lattre de Tassigny.

« Nous n’avions pas compté sur l’opposition médicale. A Mainau, le médecin commandant Pénin, qui avait passé nos hommes à la radio, nous avait rassuré que nous pourrions repartir dés le lendemain pour la France. Mais à Reichenau, le médecin capitaine Lenk l’entendait autrement. Il commença par nous dire qu’il nous garderait une vingtaine de jours. Ses réflexions ne furent pas du goût des déportés qui voulaient rejoindre au plus tôt leurs foyers, arguant qu’aucune  thérapeutique ne serait davantage génératrice de santé. N’ayant pas d’arguments, le docteur voulut les prendre par le sentiment :

« Vous n’allez tout de même pas partir et planter là les personnes venues exprès de France pour s’occuper de vous ! »

Raison spécieuse qui allait contre le sentiment de ces mêmes personnes désireuses avant tout de servir les déportés. Ces femmes au grand cœur avec à leur tête, Mlle Lambling, assistante sociale, avaient fort bien compris que nous ne pouvions rester, d’autant plus qu’elles présentaient ce qui allait arriver. Les jours suivants, l’afflux des déportés fut tel qu’ils vinrent trois ou quatre fois plus nombreux qu’on ne pouvait les héberger.

Quand le soir de ce 22 mai, le général de Lattre vint, avec toute escorte, nous rendre visite à Richenau, le Dr. Lenck ne désarma pas. Il redit sa volonté de nous garder vingt jours dans l’île. Inquiets, les déportés me demandèrent de les présenter au général :

« Nous voudrions rentrer en France au plus tôt, dés demain si possible… »

Le général me foudroya d’un regard menaçant et fit une violente diatribe contre « ce prêtre venant semer le désarroi dans les plans prévus ».

Sur le champ je dus me constituer prisonnier.

Je passe sous silence les heures qui suivirent, ainsi que l’Algarade que  je devais subir une heure plus tard à l’Inzel hôtel à Constance. Je restais impassible  devant les menaces du « roi Jean », ce qui parut un peu le déconcerter. Puis, son aide de camps, le capitaine de Tudert de Béruges, vint me trouver. Il devait dans la nuit apaiser la colère du général et revint à deux heures du matin pour me dire :

« J’espère que tout va s’arranger »

Mais je du me trouver prêt à partir à 9 heures pour Lindau, ainsi que Février.

Sur le bateau qui nous emmenait à la Résidence, je pus cette fois m’expliquer. Parlant du général américain de son escorte, qui était resté sur le pont, de Lattre me dit : «  Il est là pour me surveiller ».

Puis il m’écouta attentivement et s’apaisa tout à fait quand il sut que Février venait d’apprendre la mort de son fils au camp de Mauthausen. Dés lors il nous fit un accueil chaleureux et il me fit passer avant tous ces convives au repas de midi où j’avais à ma gauche William Bullitt, ancien ambassadeur des Etats-Unis à Paris.

 

Enfin la France :

Les évènements allaient dès lors se précipiter. Le général Devinck retourné à Dachau obtint des américains l’autorisation de notre départ pour la France. Une personne avec qui j’avais travaillé dans la résistance à Poitiers, Germaine Ribière, chargé de mission pour le cabinet du général De Gaulle, pour le rapatriement des déportés, balaya les dernières hésitations du général et le départ fut fixé pour le dimanche 27, à 10 heures. Nous eûmes cette fois la joie d’emmener les déportés d’Allach qui nous avaient rejoints ; et, enfin nous partons avec une mission de Belfort, venue après nous chercher ses déportés. Plus rapides que nous, les belfortains s’arrêtèrent à Mulhouse, pour remplir les dernières formalités. Nous arrivâmes trop tard et nous décidâmes de nous rendre dans la nuit à Belfort où nous arrivâmes à une heure du matin. Un extraordinaire spectacle nous attendait. Les belfortains qui étaient venus sept ou huit mille accueillir leurs déportés étaient encore plus de trois mille quand nous nous présentâmes. Nous fûmes reçus dans un éblouissement de lumières avec des cris de joie, confus de prendre la place de nos amis restés à Mulhouse. Enfin nous retournâmes le matin remplir à notre tour les formalités  de passage.

Déjà les autres déportés de Dachau affluent, rapatriés par des camions rapides que conduisaient  des noirs américains. Ainsi, huit jours après notre passage, le camp de Dachau était entièrement libéré. On venait de brûlé l’ancien camp où les détenus avaient été entassés jusqu’à trente mille. Ce n’était pas la thèse du Dr. Linck qui avait prévalue, mais la notre, et notre insistance était sans doute pour quelque chose dans ce rapatriement plus rapide et massif de tous les déportés de Dachau.

Le 31 mai nous étions de retour à Poitiers où la population en liesse nous fit un accueil inoubliable sur la place d’armes.

 

  J.Fleury, S.J.

 

Article de la Nouvelle République de 1975



19/09/2012
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