La légende du grand paterne (Sainte-Gemme, 1848)
La légende du grand paterne ou la fondation de la butte de Sainte Gemme en chanson !
Paterne…, connaît pas!
A moins que l’on ne soit habitant du village de la butte de Sainte Gemme ! Là, on n’ignore point ce prénom. Paterne y a même son buste taillé dans la pierre, tout comme son épouse d’ailleurs. Mais alors, ce n’est pas un saint, direz-vous? Non ! Simplement le fondateur de cet aimable village dont la première pierre a été posé en 1848.
Et toute son histoire tient dans une chanson qui s’intitule «La légende du grand paterne».
Paterne: Une enfance laborieuse.
Paterne Emauré est né au village de Rigné en 1816. Le prénom que lui attribuèrent ses parents était déjà une preuve de personnalité. Peu de choses à dire sur son enfance sinon que, comme celle des autres enfants de la campagne à cette époque, elle fut très tôt consacrée au labeur.
Dés 1824, il se gageait:
Il n’avait pourtant
Pas plus de sept ans.
Il ne touchait pas de gros gages
Mais il fut content de son sort
Car il apprit que le courage
Est le plus précieux des trésors.
Paterne a pris femme en 1840. La bonne entente régna toujours dans ce ménage qui eut «deux gars et cinq filles».
L’amour après tout
Vaut mieux que les sous.
………….
Ils élevèrent leur famille
Sans recevoir d’allocations.
La première maison de la butte.
Paterne, pour bâtir sa maison
Choisit la butte de Moulières.
Paterne avait donc bon goût. On imagine aisément le site avant la construction du village: la fin de la plaine calcaire thouarsaise, les premiers reliefs du bocage bressuirais; une sorte de frontière entre deux entités géographiques, voir sociologique… Un carrefour aussi entre l’axe Thouars- Bressuire et la route Saint Varent – Coulonges Thouarsais, devenu, à la fin de la seconde guerre mondiale, un lieu d’affrontement meurtrier entre français et belges d’une part et l’envahisseur d’autre part.
N’avait-il pas raison?
C’est un joli coin
Que l’on voit de loin.
Paterne avait planté la première maison de la Butte. D’autres suivirent son exemple et, au début du siècle, c’est un village, qui s’était implanté sur la colline toujours dominée par son moulin à vent.
Paterne un bon vivant
Il ne craignait point sa peine, ce Paterne qui allait jusqu’à Saumur vendre son vin, son bois, ses œufs, avec sa charrette à bœufs. Notre homme était bien connu sur tout le parcours, tout comme son attelage qui, parfois, assemblait sous un même joug, un bœuf et une vache.
Ce qui faisait bien rire!
Pas très conformiste.
Il ne s’occupait pas du code
Qu’il trouvait trop exigeant.
Quand il voyageait sans lanterne,
Si les gendarmes l’arrêtaient
Il leur disait: «C’est moi,Paterne».
Et tranquillement repartait.
Il lui est tout de même arrivé d’être victime de ses plaisanteries.
Ainsi:
Quand les gendarmes l’arrêtèrent
L’avertissant bien sagement
Que le feu blanc réglementaire
N’était pas à son chargement,
Pour se moquer d’eux
Vite il en mit deux.
Cette fois le pèrePaterne
Dut s’incliner devant la loi:
Pour avoir mis ses deux lanternes,
Il eut deux procès à la fois.
Sans penser – déjà – à la contestation paysanne, il était volontiers frondeur. Au comice agricole de Saint Varent, un jour, il fit pari d’être plu écouté que le sous préfet lui-même.
Sans se soucier du protocole
Amena un de ses verrats
Prés du sous préfet
Qui fut stupéfait.
Quand ce monsieur qui nous gouverne
Parla vers la fin du concours,
Tout le monde suivaitPaterne
Sans s’occuper de son discours.
Naïf, également, Paterne qui, lors de l’expo universelle, en visite à la tour Eiffel, montra à tout le monde un de ses plus beaux écus d’or, et pour qu’il fut mieux vu encore, le fit circuler parmi la foule. L’écu n’est jamais revenu… Mais Paterne rit fort de sa mésaventure.
Préparer son départ
Paterne, en bon vivant, avait pensé à la mort… Dès ses 77 ans, il se fit préparer un cercueil zingué.
Qu’il garda toujours
La nuit et le jour.
On allait, en amis, visiter la boîte dePaterne qui est mort brutalement, un matin, en 1897. Ses obsèques drainèrent une foule d’amis. L’union musicale et le rayon de Saint Varent exécutèrent les meilleurs morceaux de leur répertoire en l’honneur de leur bienfaiteur.
La fête du centenaire:
La butte ne devait pas oublier son héros fondateur!
En 1848, date du centenaire de la construction de la première maison du village, on organisa une imposante fête. M. CamilleVallet présidait le comité chargé de la mise en place des divers éléments des festivités. Un joyeux défilé ouvrit la manifestation: bicyclettes, landaus fleuris, chars… Une petite fille de Paterne Emauré fut élue reine de la Butte; On prononça des allocutions bien senties et l’on créa, pour la circonstance des chansons à la gloire de Paterne et de sa saine philosophie:
Combien de gens sont esclaves
De leurs passions et des honneurs
Si Paterne fut toujours libre,
C’est qu’il sut maîtriser l’orgueil.
Article relevé dans la Nouvelle République du 23 Avril 1981
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