A Buchenwald, P’tit Louis était membre du Comité secret de Résistance ( Niort, 1970)
Louis Michaud dit «Petit Louis» pour ses nombreux amis, aujourd’hui âgé de 56 ans, chef d’atelier au parc des ponts et Chaussées à Niort, a vécu huit mois dans l’enfer de Buchenwald.
Agent de renseignement au réseau franco-belge « Delbo-Phénix » sa mission clandestine consiste à réceptionner les parachutages nocturnes et aussi à organiser des « pick-up » (moyen par lequel un avion vient crocheter en rase-mottes un filin au bout duquel est attaché un colis à acheminer vers l’Angleterre).
Le 17 avril 1944, alors qu’il se trouve dans les environs de Saint Maixent, la Gestapo l’arrête. Ramené à Niort il tente de s’échapper rue Tartifume… Mais une balle dans la cuisse gauche brise net son élan au bout de quelques mètres.
Séjour à l’hôpital, interrogatoires et transferts successifs à Poitiers, Fresnes et Compiègne.
Compiègne sinistre centre de rassemblement où la longue cohorte de résistants captifs et d’otages est entassée dans les wagons à destination de l’Allemagne.
Le journal des dernières heures de captivité :
Devenu le numéro 70834, il est incorporé à un kommando de travail sur les lignes de chemin de fer de la gare de Weimar, proche du camp. Parmi des dizaines de milliers de compagnons de misère il retrouve là-bas plusieurs deux-sévriens : Jules Gaufreteau, tuilier à la Vaquière et son frère Gaston qui devait succomber avant la fin des hostilités), le Dr.Bouchet, aujourd’hui conseiller général de St-Loup, Albert Bernard, ancien employé municipal de Parthenay et Guy Guilloteau, propriétaire du débit de tabac et journaux rue Ricard à Niort (qui fut porté disparu dans les derniers jours, avant l’arrivée des soldats américains), et dont la veuve réside maintenant place St-Hilaire.
Sur un bout de papier, voici ce que «petit Louis» écrivit, à la hâte, au mépris du règlement nazi, pendant les derniers moments de captivité, en Avril 1945.
8avril :
12h. Ordre ’évacuer, personne bouge. Tout le monde attend très calme. Nous ne connaissons pas la réaction de nos gardes. Jours héroïques, peut-être pour la délivrance. 13h. fin d’alarme, toujours attente. Reste de la journée calme ; nuit calme. Quelques coups de feu dans le silence de la nuit.
Lundi 9avril :
Rien de nouveau, toujours dans l’attente.Gaufreteau et Colin partis du block 14. Impossible avoir de leurs nouvelles. Crois qu’ils sont au BVA.
Mardi 10 avril :
Sans nouvelle de Colin et Gaufreteau. Vu ce matin les camarades de Guilloteau, toujours en bonne santé. Préparation pour le départ. Alerte .Mise en rang pour évacuer le camp. Une demi-heure émouvante, on attend l’ordre de départ contre-ordre tout le monde rentre à nouveau dans les blocks. Encore une journée de gagnée, mais départ possible dans la nuit.
Mercredi 11 avril :
Toujours rien. En alerte de départ depuis 7h du matin 11h la soupe est servie, tout le monde prépare ses bagages. 12h alerte spéciale, tout le monde attend encore une fois. Le bombardement est tout proche. Quelques instants après, des coups de fusil dans les bords du camp… ENFIN LIBRE.
Rester à tout prix.
Voilà donc dans leur émouvante authenticité les quelques lignes qui témoignent de ce que fut la libération de Buchenwald. Les troupes américaines du généra lPatton se rapprochaient du camp ; la rumeur des coups de feu grandissait. Une grande inquiétude se mêlait à l’espoir des prisonniers. En effet ils craignaient que leurs tortionnaires ne veuillent effacer les traces de leurs crimes avant de s’enfuir.
Un comité secret s’était constitué parmi les déportés. Il avait pour but d’éviter le massacre général. Michaud en faisait partie, et il se souvient qu’un des mots d’ordre était d’entraver le plus possible les évacuations, qui signifiaient une mort certaine.
Et puis lorsque les alliés bousculèrent l’ennemi et ouvrirent les portes du camp, les membres du Comité secret poursuivirent leur action. On craignait en effet que les allemands ne reviennent, au cours de cette nuit du 11 avril pour bombarder Buchenwald. Ils allèrent chercher des armes dans l’armurerie de la caserne SS, et déployèrent un cordon de sécurité tout autour du camp.
Retour à Paris le 26 avril.
Il leur fallu attendre encore une semaine avant de pouvoir être rapatriés ceci afin d’enrayer l’épidémie de typhus. Ce n’est que le 23 avril, que « petit Louis » la joie au cœur, prenait place dans un GMC de la première armée, qui le conduisait à Mayenne. De là un train sanitaire l’emmenait jusqu’à Paris où il arrivait le 26 avril. Cet homme robuste ne pesait plus que 50kg. Chargé de mission dans un service franco-belge, il retrouvait un ami aviateur anglais, qui se « débrouillait » pour trouver un véhicule et le conduire jusqu’à Niort, où il pouvait embrasser sa femme et ses deux enfants.
Article relevé dans la Nouvelle République du 29 avril 1970.
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