Une vache ensorcelée au moulin de Brassard (Parthenay)
Albéric Verdon poursuit pour nous son tour historique de Gâtine. Aujourd’hui, il évoque de vieilles superstitions.
Avec l’empire puis la restauration, la mise en place d’une administration aux multiples ramifications donne lieu à d’abondants courriers. C’est à travers ceux-ci est nettement possible de découvrir que de vieilles superstitions circulent encore, que ce soit dans la campagne ou dans la ville. Pourtant, dès le XVe siècle, Arthur de Richemont, seigneur de Parthenay, avait entamé une «chasse aux sorcières» et n’avait pas hésité à envoyer des malheureux au bucher.
Vache ensorcelée.
Revenons à l’été 1818. En juillet, le maire de Parthenay Charles Augustin Turquandd’Auzay «royaliste et catholique convaincu», est obligé de rapporter au sous-préfet et au procureur du roi une sombre affaire de vache ensorcelée.
Les faits se déroulent au moulin de Brassard qui fait alors l’objet de travaux. Ce moulin est connu dès 1281 et il ne sera dénommé Brossard qu’au cours du XIXe siècle; le «O» remplaçant le «A»; on a ici une belle évolution du français.
Le moulin semble appartenir alors à Jean Benoist, meunier. Louis Guillemet, entrepreneur de bâtiment, est chargé des travaux et y occupe plusieurs ouvriers.
Sort de la mère sur la vache.
Le 12 juillet 1818 au soir, Louis Seguin, jeune garçon de 14 ans qui travaille pour Louis Guillemet, entre dans l’écurie du moulin et y dépose ses outils, tout comme ses compagnons. Le lendemain matin, arrivé le premier, il entre dans cette même écurie pour y récupérer ses instruments de travail. Soudain, il est accosté par le sieur Benoist et son domestique qui l’insultent vivement accusant sa mère d’avoir ensorcelé une vache, et «que c’était lui, Seguin» fils qui avait apporté le sort que sa mère avait jeté sur la vache».
Ils le jettent au feu.
Aux dires de Benoist, la vache ne donnait plus autant de lait et cela ne pouvait provenir que d’un sort qui lui avait été jeté. Le meunier et son domestique s’acharnent alors sur le jeune garçon, le rouent de coups, puis ils le traînent dans la maison d’habitation du moulin. Là, l’horreur est à son comble: les deux bourreaux «jetèrent un fagot de bois dans le feu et étendirent dessus ce jeune homme». Fort heureusement, deux autres ouvriers maçons qui arrivent alors pour prendre leur travail, entendant les cris de Louis Seguin, se précipitent dans la maison et retirent le garçon du brasier. Boinot et Louis Giroire sauvent ainsi la vie du jeune ouvrier.
Besoin de croire pour exister.
La dernière phrase du maire est éloquente: «Cette malheureuse affaire est une preuve de la superstition qui aveugle encore les habitants de nos campagnes; jusqu’à quand croiront-ils donc au sortilège?» En écho, il faut bien avouer qu’aujourd’hui encore, des superstitions survivent car l’homme a infiniment besoin de croire pour exister, de donner un sens à tout choix et de trouver des explications à toutes ses interrogations.
Article relevé dans la Nouvelle République du 26 octobre 2006
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