Diablerie en thouarsais : La plaisanterie, une chose sérieuse (1984)
On s’en doute bien sans jamais y prêter trop d’attention, quelquefois la rumeur publique s’attarde sur un fait divers pour le moins déroutant. La sorcellerie, bien sur, comme dans toutes les campagnes, au cœur de tous ces terroirs où les routes se font plus étroites, les fermes plus isolées, la nature plus envahissante.
La plaine du Thouarsais, le caractère angevin de ses habitants n’a jamais, semble t-il, été marqué par le mauvais œil. Non au pays, les diableries sont le fait de quelques solides farceurs et le soir, à la veillée, on ne se mettra pas à l’écoute d’étranges histoires, mais plutôt de quelques bons tours qui ont marqué, ici, peut-être plus qu’ailleurs.
«L’habitant de Thouars en général est bon, humain, hospitalier. Les étrangers trouvent dans cette ville l’accueil plus amical.» Voilà ce qu’écrivait en 1824, Berthe de Bournizeau dans son «histoire de Thouars », pour continuer un peu plus loin «à l’exception de quelques hommes studieux et instruits, ils aiment peu la lecture, surtout celle des livres sérieux…» Une réputation bien établie quelque peu outrancière mais qui traduit sans doute là tout le bon côté des Thouarsais. « Se dire sérieux n’est pas une référence auprès de moi », disait Bertoit Bercht, nos concitoyens n’ont-ils pas fait, à maintes reprises preuve d’originalité sans se départir pour autant de leur penchant naturel à la plaisanterie. Quelques uns nous ont rapporté les anecdotes qui ont marqué l’âge d’or de diableries thouarsaises, un temps que l’on a un peu oublié, pris comme l’on est par les vicissitudes du quotidien.
Un projet original.
«On a connu des périodes dures, raconte Jacques Gellusseau, jusqu’à contaminer le conseil municipal d’alors »
Un beau jour de je ne sais plus quelle année, il avait été décidé, au sein cette assemblée, d’édifier une statue à l’angle de la place Flandre-Dunkerque. Depuis plusieurs semaines, le socle était monté mais l’on n’avait aucune idée de ce qu’il fallait mettre dessus. La question régulièrement posée au conseil restait sans réponse, jusqu’au jour où l’un des élus sortit de sa poche un document, «Voilà notre projet», il s’agissait d’une photo prise par M. Barathon, photographe, représentant le père Diacre, bien connu pour sa fantaisie, immortalisé dans une sculpturale position. L’idée ne fut pas retenue…
Et l’on vit arriver l’œuvre attendue. D’une valeur plastique sujette à caution, pour certains, la statue de la place Flandre-Dunkerque ne tarda pas à donner quelques idées. On la découvrit donc, la veille d’un 11 novembre, affublée d’un pagne et d’un grotesque attribut féminin. Les auteurs n’eurent pas le plaisir de l’admirer en pareil accoutrement. Le lendemain matin, pour le défilé patriotique… Dame censure était passé.
Tel que…
Il y a de cela une vingtaine d’années environ un adjoint malicieux de Thouars, aujourd’hui disparu, unissait un couple, disons d’âge mûr, ce qui n’empêchait point la dame de porter beau et de roucouler amoureusement. Sensible au charme de l’épousée et connaisseur, dit-on, l’élu prononça une allocution cordiale, truffée de compliments, et conclut, s’adressant au mari:
«De toute façon, croyez moi, elle vous fera encore un bon service!»
On n’en sut pas d’avantage…
La passion du samedi soir.
On n’écrira jamais assez combien on doit de bosses de rire et d’émotion aux troupes d’acteurs amateurs qui occupèrent les planches dans le (petit) quart de siècle suivant la dernière guerre. Dommage que le petit écran ait porté un coup mortel à ces matinées et soirées où « L’affaire du courrier de Lyon» disputait la vedette à «la barque sans pêcheur» et «Montserrat» à «La dame de l’aube». Heureux temps et heureux public.
La fin de l’hiver 1957-58 était particulièrement rude. Dans ce bourg paisible de l’Argonnais ou «La passion» avait fait un tabac. On devait donner une ultime séance supplémentaire le samedi soir, malgré le gel des routes et l’âpreté de la bise.
Saint Pierre était campé par un personnage de la commune et de la région, imprégné de son rôle, vieux routier de la scène. L’après midi de la représentation, notre homme avait effectué maintes courses au chef-lieu de canton, se réchauffant la glotte au hasard de rencontres d’amis, et Dieu sait si Saint Pierre en comptait!
Est-ce pour cette raison, ou pour l’intensité du passage qui voit Saint Pierre découvrir son maître sanguinolent après la flagellation, que notre artiste demeura sans réplique, alors qu’il devait en prononcer une? Allez savoir!
Le métier reprit vite le dessus, et Saint Pierre, désespéré, laissa tomber contemplant la victime:
«Eh bien, il est frais le coco!...»
Si bien que pour marquer sa surprise, le rideau en tomba aussi
Nous tenons ces deux dernières histoires de M. Michel Olivier. Il ne nous a pas caché que la liste n’en était pas exhaustive, les colonnes nous manquent… Dans notre prochain article, nous aborderons ces coutumes et légendes dans lesquelles le Diable et le bon Dieu se confondent, quelquefois…
H .Lemaire
Article relevé dans la Nouvelle République du 6 avril 1984
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