Archives & Dossiers du Poitou-Charentes

Une fête à Thouars le 27 thermidor an X

 

Cet article est extrait d’un journal régional et signé par André Bailly.

 

«Chacun sait que le premier souci de Bonaparte, à la suite de son élection comme consul à vie, fut de préparer l’empire et que la France républicaine, qui avait secoué le joug d’un monarque, s’apprêtait à s’en donner un autre; insensiblement, mais sûrement, le pays envisageait cette éventualité,Bonaparte, qui fut un rare psychologue, savait comment, il arriverait à ses fins.

Thouars, le Thouars révolutionnaire qui avait salué avec joie la prise de la bastille et avait embrassé la nouvelle cause avec une ardeur sans pareille, ne devait pas non plus faire mentir ces paroles historiques que le consul prononça: «Que les hommes sont bien dignes du mépris qu’ils m’inspirent! Tous mes vertueux républicains, je n’ai qu’à dorer leur habit et ce sont des gens à moi

Parmi toutes les fêtes qui se succédèrent dans notre cité pour glorifier l’homme qui dirigeait les destinées de l’Europe, nous en citerons une qui eut lieu le 27 thermidor an X (15 août 1802) à l’occasion de l’élection de Bonaparte, comme consul à vie. Et, pour répondre au désir de celui qui fit couler tant de sang, et qui sut, par des manifestations sans nombre, s’attacher le peuple, cette fête fut accompagnée d’un mariage.

Donc le 27 thermidor de l’an X de la république, (on avait déjà supprimé « Une et indivisible») le sous préfet de Thouars, le citoyen Redon réunit chez lui le maire Richou, son premier adjoint Guérineau; son deuxième adjoint,Audebert le jeune; Caffin, juge de paix ; Jounault, président du conseil d’arrondissement: Gouttière, receveur du domaine: Phelipon, receveur d’enregistrement; Noé et Duplessis, notaires; Menoust, gros marchand de draps; Chousamy,Renault fils, Mauberger, Jarry, aîné, Minault, Meschin, etc., gros citoyens de la localité, ou fonctionnaires.

Cette réunion avait pour but de faire la publication solennelle, sur la place de la sous préfecture en présence du peuple, du sénatus-consulte qui proclamait Napoléon Bonaparte consul à vie.

De plus, on devait célébrer le mariage, ordonné par le ministre de l’intérieur, comme acte public de bienfaisance et encouragement aux bonnes mœurs, à l’occasion de ce grand évènement

Les heureux bénéficiaires de la générosité du gouvernement, furent André Ploquin, jardinier, âgé de 20 ans et Louise Marie Paris, fille d’un tisserand, âgée de 16ans et demi, qui se rendirent également à la sous préfecture.

La mariée, donnant la main droite au sous préfet et la main gauche au maire, pris la tête du cortège qui se forma pour se rendre place de la Sous préfecture.

Les gendarmes en armes rendirent les honneurs et, comme la veille, on tira le canon.

Des tribunes, garnies de verdure et de fleurs, entouraient la place et une foule immense acclama la mariée à son arrivée: elle était fort jolie, dit un «écrit de l’époque.

Au centre de la place on avait mis un piédestal doré le buste de Bonaparte couronné de laurier.

La société d’amateurs de musique se fit entendre alternativement avec les tambours. Puis le sous préfet et le maire s’avancèrent devant le buste, et le citoyen Richou donna lecture du sénatus-consulte. L’article premier du document s’était à peine envolé des lèvres du maire qu’une immense clameur s’éleva, aux cris de vive la république, vive Bonaparte»

La lecture finie et le silence revenu, la musique joua «Ou peut-on être mieux… etc.»
Le sous préfet prononça un discours ou il exalta les vertus innombrables de
Bonaparte.

Le maire Richou, présenta au peuple les deux jeunes fiancés, les maria à l’instant et à haute voix lut l’acte qui consacrait la cérémonie, et annonça qu’en mémoire du consulat à vie conféré à Bonaparte, la République dotait, les deux époux d’une somme de 600 francs


Le discours du maire se termina ainsi:

«Venez jeunes gens avec vos magistrats remercier l’être suprême de votre bonheur, venez qu’il vous présente au pied des autels au ministre de la religion sous les auspices du héros du monde. Puisse sa bénédiction attirer sur vous toute espèce de félicité et ses prières et les vôtres faire tomber sur votre bienfaiteur, toutes les consolations, toutes les récompenses qu’il mérite et la plus longue vie qui ait été départie aux patriarches."

Ce ne fut pas tout.

Le marié, quelques années auparavant, en se promenant sur le Thouet en bateau, était tombé à l’eau et emporté par le courant allait infailliblement se noyer, lorsqu’un meunier nommé Jacques Rousseau, se jeta à l’eau et parvint à sauver le jeune Bloquin.

On profita de la cérémonie pour lui remettre au nom du «gouvernement régénérateur», un ruban tricolore auquel était suspendue une médaille d’argent, à l’effigie de Bonaparte et qui avait été frappée à l’occasion de la paix de Lunéville. Puis on lui mit une couronne sur la tête.

Le cortège nuptial se rendit ensuite à l’église suivi de la foule. Le canon tonna à nouveau, les tambours et la musique s’en donnèrent à cœur joie – des cris de «Vive Bonaparte» ne cessèrent d’emplir l’air.

Puis ce furent les attractions habituelles à ces genres de fêtes, bals en plein air, beuverie, feu de joie.


Le cauchemar commençait dans la joie et devait durer 15ans.»

«André Bailly.»

Journaux régionaux années 20



19/08/2012
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