Archives & Dossiers du Poitou-Charentes

Le calvaire des protestants (St-Jouin de Milly)

 

Extrait  du travail d’Hélène et Jean Micheneau, publié par la N.R. et dont l’œuvre complète est parue dans le bulletin municipal Du mois de janvier 1998.

 Les huguenots du bocage, entre 1598 et le début du XIXe siècle ont été harcelés, poursuivis et chassés. Deux historiens de Saint Jouin de Milly racontent ces terribles périodes. Au début du XVIIe siècle, la carte religieuse du bocage s’est fixée. On compte alors environ 200 protestants à Saint Jouin de Milly (80% de la population), beaucoup à la forêt sur Sèvres (45%) et 800 à Moncoutant (50%). 1698, le protestantisme n’existe plus en France, du moins officiellement. Et pourtant opiniâtres et nouveaux catholiques « ne faisant point du tout leurs devoirs » obsèdent les autorités civiles et religieuses. Que s’est-il passé ? Dès le début de son règne personnel (1661), Louis XIV fait appliquer l’Edit de Nantes à la rigueur. 

Localement, cela se traduit par l’ordre de démolir les temples de Vaudoré et de Pugny. Et les mesures s’aggravent à partir de 1679. Les conversions au catholicisme restant isolées, l’intendant de Poitiers, Marillac, invente les « dragonnades » : il s’agit de loger systématiquement les troupes chez les protestants qui doivent les entretenir et les payer. Les méthodes de Marillac sont si efficaces qu’outre les conversions dans le bocage, elles entrainent une première vague d’émigration qui touche aussi le moncoutantais. Pendant la durée des dragonnades, le curé de Moncoutant enregistre les noms de 384 personnes qui « volontairement et de leur plein gré » abjurent l’hérésie. Malgré cela, les protestants de la région continuent de se rassembler clandestinement. En cette année 1698, on assiste à des assemblés nocturnes et secrètes à Vaudoré, à La Forêtsur Sèvre, à Courlay, à la Chemillardièrede Moncoutant, à Saint Jouint de Milly

 

Dénonciations et calvaires :

En 1699, le curé de Moncoutant, Alexis Belouard, produit deux mémoires très complets. Le premier recense les familles huguenotes avec le nombre de leurs enfants, leurs facultés. Avec mention de ceux qui sont les plus opiniâtres et ceux qui ont quitté le pays (37 familles).Le second ne contient que les plus riches et les plus opiniâtres qui pervertissent les autres, et qu’à moins qu’on ne les bannisse du pays on ne saurait en convertir un seul (22 ou 23 familles). On exige alors la dénonciation des partisans aux assemblées, des personnes ayant « de mauvais livres », des cas « d’irrévérence ». Des espions sont même rémunérés pour se rendre aux assemblées. Et puis, l’obligation du baptême à l’église est beaucoup mieux respectée : l’amende de 1 à 2 livres pour non représentation au baptême y est pour quelque chose. Pour les parents qui n’envoient pas leurs enfants aux « instructions » les amendes sont fréquentes.

 

La fuite à l’étranger.

Plus grave encore, les enfants peuvent êtres enfermés d’office dans les collèges de jésuites pour les garçons, des couvents pour les filles, les parents étant contraints à payer leur pension. Les mourants ne sont pas épargnés : ceux qui refusent les sacrements seront après leurs décès trainés sur la claie puis jetés à la voirie et leurs biens confisqués. Mais le supplice de la claie n’a jamais été ordonné dans le Moncoutantais. Les corps sont enterrés discrètement dans un terrain de famille. A Saint Jouin de Milly, le dernier cimetière familial à été détruit en 1985 à la Falourdière. Pour fuir ces répressions, les huguenots émigrent. De 1681 à 1750, ce sont 234 personnes connues du grand moncoutantais qui se sont fixées à l’étranger. Vingt-deux familles feront de même à la Forêt sur Sèvre. Du coup l’émigration porte un coup fatal à l’industrie manufacturière. Les tissages de la Sèvre s’installent en Angleterre : de 40 avant la révocation, le nombre de maîtres fabricants est passé à 17 en 1714 ; Les fabriques de Moncoutant ne s’en relevèrent pas. Malgré tous les « efforts » des autorités religieuses, les familles protestantes qui restèrent dans le Bocage ne plièrent jamais.

 

Article relevé dans la Nouvelle République du 25 janvier 1998.



25/08/2012
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