Mobilisé en Avril 1918 (Fors)
Aujourd’hui retraité à Fors, Pierre Lutinier était trop jeune pour rejoindre le front en 1914. Mais huit mois avant l’Armistice…
Pierre Lutinier, bon pied bon œil malgré ses 95 ans, coule une retraite tranquille et bien méritée à Fors. En 1914, il vivait en Normandie où sont père était jardinier d’un château. Il voulait alors partir à la guerre. Mais il était né le 2 décembre 1899 et n’avait que 15 ans.
Comme d’autres, il avait été perméable à l’influence de l’école. Patriote, il voulait libérer l’Alsace et la Lorraine ! Il faut dire que, pour son maître, la guerre était gagnée d’avance…
Pierre Lutinier se souvient que le premier communiqué de la guerre 14 annonçait la reprise des villages en Lorraine. Le curé de son village, ancien combattant de 70, en pleurait…
Comme la classe 19, il est mobilisé en Avril 1916, toujours enthousiaste : « On était remonté à bloc », dit-il. Normalien à Rouen, après une préparation militaire, il a choisi un régiment d’artillerie, à Chartres, puis a été envoyé comme élève sous-officier dans l’Yonne où il est devenu maréchal des logis.
Le 11 novembre 1918, il était cantonné dans le jura, près de Dole. Une offensive était prévue pour le 15 novembre en Alsace… Ses copains étaient soulagés à l’annonce de l’Armistice, lui, non. L’arrivée des américains en accélérant la fin de la guerre, le privait du baptême du feu ! Après le 11 novembre, il est envoyé à Verdun « pour remplacer les vieux, ramasser les cadavres et déminer ». Alors en découvrant le champ de bataille, d’un seul coup, Pierre Lutinier est devenu pacifiste et l’est resté. Artificier, il « nettoyait les obus du champ de bataille. On touchait trois quarts de vin par personne pour ce travail, précise t-il. Si lui l’a échappé belle, son copain de Bretagne par contre à sauté ».
Après trois années sous les drapeaux, Pierre Lutinier est libéré en avril 21 ; « Avec cinq jours d’avance sur les autres pour avoir fini 5e au championnat de Cross-country de l’armée à Metz ».
Mais à peine a-t-il pris son premier poste d’instituteur en Normandie que « sa classe », la 19, celle-là, est rappelée pour aller occuper la Ruhr, du côté de Suisbourg, pour trois mois, « Les gosses leur jetaient des cailloux. » Il monta la garde, à cheval, le long du Rhin, pour empêcher les soldats français de s’y baigner.
Revenu en Normandie, il organisa un voyage d’anciens combattants, à Verdun. « Les gars étaient heureux de revoir l’endroit ou ils étaient. » Et où ils avaient pourtant, frôlé la mort… Quand à Pierre Lutinier, faute d’avoir fait au moins trois mois de première ligne, il n’a pas eu le droit à la retraite d’ancien combattant. Ses 95 ans n’ont en tout cas pas entamé sa flamme pacifiste et humaniste. Et il s’insurge qu’on « fasse la quête pour le cancer alors qu’on dépense autant pour les essais nucléaires qui, de toute façon, ne nous protègent pas plus que la ligne Maginot en 40 !
G.B
Article relevé dans la Nouvelle République du 12 novembre 1995.
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